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premier masque ; ft. jolibelle

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» Margaret Ailyn
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Margaret Ailyn
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MessageSujet: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyVen 6 Nov - 20:26

La mort l'avait épargnée, la laissant comme un déchet sur un trottoir alors qu'elle était persuadée que son tour était venu. L'ennui, lui, la suivait à  la trace comme une maladie infectieuse impossible à curer. Tout comme le poids de la solitude compressait sa poitrine, semblant l'étouffer par une absence sourde, elle se laissait consumer. Elle marchait, le pas silencieux et discret, essayant de fuir ce vide qui pesait inexorablement sur son âme. Toutefois, il gagnait toujours, se raffermissant sur sa misérable proie qui n'avait nul endroit où se réfugier ni assez de volonté pour courir. Elle avait beau s'imaginer ses rêves, sa liberté nouvellement acquise n'était qu'une idée qui se diluait entre ses doigts fins tandis qu'elle essayait vainement de l'attraper. Elle n'avait pas assez de force, de mental pour imposer ses désirs égoïstes sur un système froid bien huilé, écrit depuis sa naissance et incorruptible.
Elle éprouvait ce sentiment d’illégitimité, elle dont l'existence n'avait nul objectif, nulle raison. Toute sa famille le lui avait répété bien assez : elle n'avait de place nul part, pas de maison, pas de toit sinon cette maison froide aux allures de prison. Et maintenant délivrée de ses chaînes, elle n'était qu'une âme en peine, perdue dans les tourments de la réalité. Elle n'avait pas pu dire adieu à son ancienne vie qui la hantait comme un fantôme, et elle n'avait pas changé, ne changerait probablement pas. Elle était toujours, au plus profond d'elle, ce corps que l'on manipulait à sa guise, ce pantin qui n'attendait que des ordres pour bouger pour ne pas rester inanimé.

C'était le souffle de la vie, l'instinct de préservation et de survie, qui la maintenant à la surface. Elle était figée dans une brume opaque, où son environnement était fabriqué avec des afflictions. Elle n'était rien de plus qu'une poupée, un assemblage d'os et de chair qui ne se mouvait que pour satisfaire les besoins nécessaires. Gagner de l'argent, acheter des provisions, se nourrir, se laver ; seules des actions que l'humain n’exécute que pour demeurer vivant.
Les faisceaux de lumière du soleil semblaient traverser sa peau blanchâtre, presque translucide. Personne ne la remarquait dans la foule, tandis qu'elle progressait en direction de ce bar dans lequel elle rejoignait l'une de ses seules connaissances actuelles. Peut-être même pourrait-on qualifier cette relation d'amitié, si au moins Margaret en connaissait le sens. Mais elle était trop ignorante de beaucoup de choses de ce monde, et elle apprenait chaque jour qui s'écoulait, sans trop y voir de raison, simplement résignée. Elle fendait la foule rapidement, sans un regard pour tous ses individus qui sévissaient ici bas. Comment faisaient-ils pour vivre ? Peut-être avaient-ils un but, une raison de vivre, quelque chose qui les animait. Elle ne comprenait nullement les éclats de rires qui brisaient parfois les bourdonnements sourds des murmures, ni les sourires chatoyants des uns, ou l'allégresse des autres.

Le monde ne semblait rien à avoir lui offrir, sinon ce châtiment d'exister. Tout comme elle avait survécu, la dernière de la famille Ailyn, bien que bâtarde et non héritière légitime. Mais qui se préoccupait d'une lignée déchue, où s'étaient retrouvés traîtres, fourbes et connards. Elle, hypocrite, offrait la plus belle des prestations, digne engeance de tels individus. Elle n'était pas sur un chemin de rédemption, elle continuait la seule voie qu'elle connaissait, certainement la plus détestable. Elle n'avait plus de rancœur, nulle substance derrière cette enveloppe corporelle qui se cachait derrière des mouvements doucereux, tous aussi faux les uns que les autres. Et Margaret ne trouvait nul réconfort dans la chaleur humaine, se parant d'illusoires sourires affectueuses et désireux. Un boulot est un boulot, et elle se laisser éteindre, enlacer par des bras inconnus. Pauvre créature souillée, irrécupérable. Il n'y avait rien à sauver. Nulle âme, nul cœur, nul corps.
Elle pouvait certainement tenir ainsi des années avec cette situation précaire, sans évoluer, sans dépasser ce stade embryonnaire, sans grandir ne serait-ce qu'un peu. Elle était laide, tandis qu'elle pénétrait dans le bar, revêtant ce visage qu'elle avait construit avec tant de personnes différentes. Elle n'était plus elle même, elle qui étirait cette expression affable sur ses traits. Elle avait ce visage ovale, des yeux gris éteints entourés de ses mèches de cheveux brunes qui retombaient autour de son visage. Il n'y avait rien à la fin, sinon une chute inéluctable encore plus douloureuse que le fond qu'elle avait déjà atteint. Coincée, il ne restait plus que ses gestes et sourires fabriqués, alors elle s'arma de son meilleur sourire, se dirigeant vers Jolibelle de son pas feutré.

_ Salut, comment tu te portes ?

Elle se fendit d'un petit mouvement de la main, si bien calculé qu'il en était presque naturel. Elle se laissa tomber sur la chaise en face de son interlocutrice, sa somptueuse série de propos et d’expressions faciales prêtes à s’exécuter lorsque le moment semblerait propice. Elle errait vers le chemin de l'humanité, seulement elle s'en éloignait encore davantage, s'enfonçant dans sa propre condamnation. Mais c'était la seule façon qu'elle connaissait, incapable de communiquer elle-même, alors elle jouait cette Margaret qui lui semblait la plus proche de ce qu'elle était, la plus naturelle, sans propre conviction de ce fait.
Quelle connerie.
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Jolibelle
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyDim 8 Nov - 12:51

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Premier masque.

Margaret Ailyn & Jolibelle.


Chère,

Je ne sais jamais de quelle manière débuter les foutues lettres que je t'écris. D'autant plus que ça ne sert à rien de les rédiger puisque je ne les poste jamais – à quoi bon ? Tu ne les liras pas, de toute manière. Tu n'en as plus les capacités. Et pourtant, regarde-moi : je m'attelle à ce travail d'écriture comme si ça avait un intérêt, comme si ça pouvait nous être utile, comme si ça pouvait nous sauver. Quelquefois, ça me fait du bien de t'écrire, d'autres fois ça me déprime. Aujourd'hui, je pense que ça me déprime. J'ai commencé à t'écrire il y a des années, chère, à mon avis la première lettre date de mes quatorze ans. Evidemment, je n'ai pas écrit tous les jours, il y a eu des pauses plus ou moins longues, quand ça allait mieux ou pire. Mais je ne t'ai jamais tendu la moindre lettre. Je les ai toutes gardées, toute notre correspondance que je suis la seule à entretenir. Depuis quelques temps, je trouvais que t'écrire me permettait de rester en contact avec toi, de ne pas t'oublier et tout. Bref. C'est plutôt confus, hein ?

Cet après-midi, j'ai retrouvé Margaret. Tu sais bien, je t'ai déjà parlé d'elle. La fille qui sait changer de visage et tout – au sens propre je veux dire. Je ne sais plus trop comment on s'est rencontrées pour la première fois, ça commence à dater. Ce n'est pas ma grande amie mais ça faisait longtemps que je ne l'avais plus vue et tout, et comme je me sentais minée à la longue de traîner dans l'appartement d'Abe (qui est toujours fourré à la bibliothèque) on s'est organisé un rencard au Centre-Ville, dans les rues commerçantes, dans tel café. Je suis allée au Centre-Ville à pied, pour économiser mes sous (les trajets en commun ça coûte un prix fou, c'est carrément du vol) et puis parce que j'avais envie de me promener un peu. Heureusement que Mathieu et Marilyn n'habitent pas le coin des rues commerçantes, sinon je les aurais peut-être croisés avec leurs deux enfants et Lo... Ça m'aurait fait mal de voir mon fils sans pouvoir faire grand'chose avec lui (il se serait emmerdé comme un rat mort à nos retrouvailles avec Margaret). Enfin, quand je suis arrivée au lieu de rendez-vous, j'avais bien une demi-heure d'avance. On est en novembre mais il fait doux (et ensoleillé cet après-midi) et j'ai eu envie d'un mojito.

J'ai dit bonjour à un couple que je connaissais de vue, la fille avait déjà chanté avec moi un soir ou l'autre chez Ivy O'Hara. En parlant de ça, j'ai pas l'impression que mon entretien d'embauche avec M. Sheperdson se soit super-bien passé. Mais bon, j'espère quand même que j'aurai ce job. Il serait temps que j'aie enfin un vrai boulot et tout. Repenser à ça, ça m'a démoralisée et je crois que j'ai descendu deux mojitos en attendant Margaret qui était un peu à la bourre aussi.

J'aime pas trop être saoule, parce que je t'ai souvent vue à l’œuvre et quand c'était moi qui te ramassais j'avais la haine. Un mojito n'est pas ce qu'il y a de plus corsé, mais après deux verres je me sentais déjà bien détendue. Après, Margaret s'est enfin pointée. Cette fois, elle avait des cheveux bruns, un visage ovale et des yeux gris éteints. Ça oui, pour être éteints, ils l'étaient. On airait dit toi, un peu, excepté que tu avais les yeux bruns, mais bon. Elle m'a souri quand je l'ai regardée, mais avec elle c'est toujours chaud de dire si elle est vraiment contente d'être là ou non. Elle fait un peu peur, cette fille. Je crois qu'elle en a bavé dans sa vie (« elle aussi ? » tu vas me demander. Oui, chère, tout le monde en a bavé je crois, à des degrés différents bien sûr). Bref, Margaret s'est assise sur la chaise en face et m'a demandé comment j'allais. « Super » j'ai dit, et j'ai eu envie de ne rien ajouter à ce gros mensonge parce que pour une fois je n'avais pas envie d'alimenter la conversation.

Je l'ai dévisagée un moment. « Et toi, Marga ? » je lui ai demandé. J'ai remarqué que mes doigts pianotaient nerveusement sur la table en faux marbre et c'était bizarre car je n'ai plus eu des masses de tics nerveux depuis mes six ans, où je m'emmerdais tellement en classe que je mâchais mes cheveux (ça rendait fou l'instituteur, tu t'en souviens ? Il m'avait menacée de les raser si je n'arrêtais pas ce manège). « Pas trop déprimée par l'hiver qui vient ? Ou par la vie qu'on vit et qui ne nous offre aucune échappatoire, bon sang ? » j'ai ajouté, et va-t'en savoir d'où je sortais ça. Je ne sais pas si c'était l'alcool (un troisième mojito était en cours) mais j'étais bien partie pour dire des conneries pendant un moment.
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» Margaret Ailyn
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Margaret Ailyn
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyLun 9 Nov - 2:37

La vie demeurait, inéluctable. Elle sévissait sous chaque cellule, derrière chacun des visages qu'elle croisait. Elle était laide et perverse, dotant l'homme de cet instinct de préservation dont il ne pouvait se défaire. N'importe quel fugitif, n'importe quelle personne muée par un acte irréfléchi, se retrouvait écrasé par le poids de cette pestilente existence. Tout comme Margaret gisait là, se cachant derrière une peau ostentatoire, se dissimulant avec prétention, alors qu'elle était en réalité terrorisée, terrassée par une vérité qui la dépassait au-delà de l'imaginable. C'était ainsi qu'elle laissait cette fausse assurance se loger dans son apparence enjouée et posée. Elle omettait les faits dérangeants, qui ne résulterait que sur des élans dévastés et des espoirs brisés. Elle avait bandé ses blessures avec un voilage opaque, mais le souvenir de ses plaies demeurait vif, et il était certain que prétendre qu'elles n'existaient pas ne retardaient que davantage la cicatrisation. Peut-être était-elle maladroite, sans expérience et incapable de choisir la bonne décision, hélas son passé ne lui avait pas octroyé l'expérience nécessaire à un tel jugement. Elle confectionnait ses idées, ses concepts par rapport à ce que lui offrait le spectacle sous ses yeux, or elle ne voyait en l'homme aucune logique, aucune honnêteté. Si bien qu'elle essayait de fuir le contact, se parant de ce masque en guise de bouclier.
Et pourtant, elle avait lamentablement réussi à obtenir un semblant de relation avec cette femme nommée Jolibelle. Compagnon de fortune, ou de misère, au choix, la vie ne leur avait fait de cadeau à aucune. Si bien que toutes les deux avaient établi un contact, occasionnant par la même occasion une communication entre elles. Elles partageait leur peine, elles servaient de présence réconfortante à l'une et l'autre, afin d'essayer de rétablir une once de leur fierté, peut-être par égoïsme, peut-être par pitié ou par envie d'être écoutée. Margaret payait attention, elle était attentive, ce qui aurait été probablement été une qualité si elle n'avait pas été conditionnée toute son enfance pour être aussi peu éloquente que possible. Le silence avait été synonyme d'or, toute son enfance. Sa présence était naturellement effacée, confectionnée pour ne déranger personne. Et elle se prêter encore à ce jeu avec Jolibelle, sans aucune raison apparente.

C'était un lien étrange qui les unissait, alors qu'elles ne possédaient rien de vraisemblablement similaire si ce n'était leur situation presque parallèle. Toutefois, une connexion s'était tissée entre elle, sans guère de substance que quelques morcellements de besoin qui s'attiraient. Même cette amitié n'était qu'un simulacre, une contre-façon. Ni l'une ni l'autre n'avait besoin de l'énoncer pour sentir que ce qui les réunissait à chaque fois n'était nullement l'affection pour l'autre. Et si elles supportaient la présence de l'autre, il ne fallait pas dire qu'elles s'adoraient outre-mesure. C'était quelque chose de capricieux, qui se manifestait sans prévenir, mais une fois ensemble elles arrivaient presque à apaiser leurs maux.
Sur le bout de ses lèvres, Margaret soufflait ses douleurs, ses malheurs et la solitude qui la noyait dans des mers profondes. Elle regardait son interlocutrice qui dégageait cette forte présence, probablement du au fait qu'elle était une Reion, mais elle lisait au fond de ses prunelles ses réflexions profondes et incertaines. Tout comme les rouages étaient visibles derrière le masque parfaitement conçu de la jeune Servant. Si bien que personne n'était capable de deviner ses songes ou de savoir si les expressions qu'elle arborait étaient réelles. Mais derrière la membrane, rien ne trouvait refuge, pas même la perspective d'un espoir ; il n'y avait aucun soulagement pour un cœur trop lourd. Elle était éreintée, pourtant elle continuait de se mouvoir avec la volupté d'une âme gai et enjoué, ses pas se fondant avec grâce et légèreté. Elle avait tant trop fait, trop joué, si bien qu'il lui était impossible d'en énumérer le nombre. Sur ses muscles étaient inscrits ses réflexes, ses mécanismes, qui continuaient de jouer, à répétition.

Elles s'enfonçaient dans leur mensonge, aussi bien l'une que l'autre. Mais c'est parce qu'elles lisaient entre les lignes, connaissant l'étendue de ses altercations de l'âme qu'elle ne posaient pas de question inutile, ne cherchait pas à savoir les vérités marécageuses. Et Margaret se mit à revêtir ce sourire ingénu qui lui seyait tant. Elle avait cette expression paisible qui ne cachait aucune curiosité malsaine, ou seul ce sourire illuminait, sans rien réclamer en retour. Et si elle avait ses propres difficultés relationnelles, elle n'en demeurait pas moins capable de se faire une représentation des pensées de Jolibelle. Derrière ses pupilles, nulle lumière. La tonalité de sa voix ne demandait aucune réponse, closant le sujet. C'était cela, ce qui leur était propre. Elles pouvaient parler, s'ouvrir à la lumière et aussi bien utiliser le silence pour faire miroité la vérité sans qu'aucun mot ne soit prononcé. Aucune parole n'était gaspillé, et c'était probablement l'une des fondations de ce qu'elles possédaient. Le résultat de deux consciences fiévreuses, où tout criait la vérité, sans qu'aucune plainte ne soit audible.

_ Ca va, esquissa la jeune femme, tenant le verre que le serveur lui avait apporté.

Toujours la même merde. Toujours ce poids pesant, et ses manifestations fugaces où la douleur lui déchirait les entrailles. Mais elle était incapable de s'abandonner à la tristesse, elle ne ressentait que ce trou béant qui ne cessait de s'étendre et se répandre. Alors elle annihilait tout le reste, ne laissant que cette impression vide sur ses paupières closes. Oui, tout avait perdu de son acidité, elle se sentait juste errer dans ses abysses sans fond, sans flambeau pour réchauffer ce froid ni la guider.

_ Déprimée, pas vraiment. Elle émit une courte pause, pensive. J'aime l'hiver.

Elle posa un regard insondable sur son verre, puis elle le finit d'un trait. Elle sentait l'alcool la brûler, et elle redemanda un nouveau verre de whisky. Elle dessina un pauvre sourire sur ses lèvres, finalement. Depuis qu'elle avait quitté ce nid familial – ou plutôt depuis qu'il avait disparu – elle s'était offerte la joie de l'inertie et de l'ivresse procurée par l'alcool. C'était certainement paradoxal, étrange, pour un robot de boire. Mais c'était en ces moments qu'elle ressemblait le plus à ce à quoi elle aspirait, et son côté humain arrivait presque à surplomber le reste.
Certainement que cette chienne de vie n'était pas une idylle, elle était pourrie et défectueuse. Elle ignorait les cris, les hoquets tétanisés des vivants, accompagnait les mourants dans leur dernier souffle en une lente agonie et laissait les survivants dans cette profonde douleur. Elle était insatiable, satisfaisant sa cruauté de tous maux, de la souffrance des hommes. Et elles en étaient les victimes, malmenées, assujetties.

Damnée, Margaret était toujours la même marionnette désorientée qu'elle était au début. Elle ne faisait pas preuve de réel discernement, or elle ne cessait jamais ses complaintes silencieuses. Elle exécrait le poids de la chaîne qui lui serrait la gorge, et elle rêvait toujours en secret d'un espoir qui l'étreindrait, mais tout cela se transformait en de sombres visions cauchemardesques. Elle n'était pas assez vive pour saisir une autre possibilité, et elle s'écroulait sous ses fausses espérances qui ne faisaient qu'alimenter le règne de la peine en son sein.
Amusant.

_ C'est sûr que la vie ne nous est pas clémente.

Elle soupira.
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyLun 9 Nov - 20:42

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Premier masque.

Margaret Ailyn & Jolibelle.


Margaret est aussi mythomane que moi, si pas plus. Elle m'a assuré qu'elle allait bien, elle aussi, et je me suis demandé quelle façade on essayait de sauver, toutes les deux. Tu l'aurais vue avec son whisky. Elle a une sacrée descente, ah ça oui, à mon avis ça doit être l'une des dernières joies qu'il lui reste ou un truc comme ça. J'ai regardé mon troisième mojito à demi entamé, j'ai repêché une tranche de citron que j'ai mordue en laissant l'acidité me brûler la bouche, espérant que ça me réveillerait ou quoi. Je me sentais un peu dans le brouillard. J'écoutais Margaret parler, elle ne disait jamais grand'chose j'avais l'impression, rien que le strict nécessaire, en répétant mes propres paroles parfois. Elle a dit qu'elle n'était pas vraiment déprimée – je ne l'ai pas crue – et qu'elle aimait bien l'hiver. « Moi, j'ai horreur de l'hiver » j'ai affirmé, et ne me demande pas depuis quand, chère, en fait je n'ai rien contre l'hiver en tant que tel, c'est juste se lever quand il fait noir et rentrer chez soi quand il fait noir qui me déprime. C'était aussi en hiver que tu galérais le plus pour vivre, je m'en souviens. Tu n'étais jamais sûre de pouvoir payer le mazout en temps et en heure.

Margaret a commandé un deuxième whisky et j'ai achevé le citron. Il n'y avait pas grand'monde dans le bar à cette heure, pourtant, à la table derrière nous il y avait cinq étudiants qui blaguaient et savouraient des bières. Ça m'a rappelé de vieilles réunions entre ''potes'', quand j'avais quatorze, quinze ans. Quand, à la fin des cours, je traînais des heures avec Maximilien du Jardin, Itaca Fuengirola, Donovan McIntosh, et tous ces connards qui vivent leur vie, maintenant, et qui ne pensent pas à moi ni au reste de notre groupe. Est-ce que je suis la seule couillonne qui les évoque parfois, ou est-ce qu'eux aussi ont des pointes de nostalgie et songent à nos plaisanteries, notre complicité, nos critiques aigres sur les profs et les élèves de notre classe ? Des fois j'aimerais bien le savoir. Bref, entendre rire les cinq étudiants derrière nous ça m'a plutôt minée. « Qu'est-ce que je donnerais pas pour être à leur place » j'ai marmonné sans regarder autre chose que la table en faux marbre. Puis j'ai redressé la tête, j'ai souri un peu piteusement et j'ai dit, en achevant mon foutu mojito, « Je parle comme une vieille, merde. »

Margaret a dit un peu après que la vie ne nous était pas clémente. Puis elle a soupiré. Elle te ressemble, je te le promets. « On pourrait se révolter contre » j'ai proposé, et j'ai remarqué que ma voix devenait pâteuse. Quand je te disais que j'étais bien partie pour dire des conneries durant toute la conversation. « Hé, c'est pas con. On pourrait refuser d'être malheureuses et envoyer chier tout le monde. » Sauf que ce n'est pas vraiment possible. J'ai brusquement songé que je ne connaissais quasiment rien de Margaret, rien de sa vie, et qu'en fait je ne connaissais rien de personne, pas même de moi. « Tu crois que le seul moyen de s'en sortir qu'on a, c'est de mourir ? » je lui ai demandé, et ma voix était vraiment dégueulasse, comme déréglée. « J'ai connu quelqu'un de désespéré et elle n'a pas trouvé d'autre issue que de se tirer une balle dans la tête. » J'ai fermé les yeux un instant. « Je ne pourrai jamais oublier ça, bon sang » j'ai murmuré, en me cachant le visage dans les mains. Il y a une tonne de bracelets sur mes poignets. Pour la première fois de ma vie, j'ai eu envie de les enlever, de montrer que j'ai voulu suivre la même voie que toi mais que moi, j'ai échoué, je suis toujours là, et il n'y a que les cicatrices pour témoigner.
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» Margaret Ailyn
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyLun 9 Nov - 23:20

Elle avait envie de rire, de s'abandonner à cette somptueuse ineptie corrosive. Oui, elle avait, autrefois, espéré cette vie qu'elle avait si longtemps contemplé derrière ses tranchées qui l'empêchaient d'atteindre cette existence. Elle avait tant désiré, il était vrai, par faiblesse et par vice. Elle avait observé ces hommes, à distance, épié ces êtres qui se laisser sombrer à leurs folies et leurs émotions. Elle avait tant répété cette scène de liberté, de rencontre avec ce monde dans les méandres de ses songes, par déraison et jalousie. Elle avait eu soif de leur essence, envié leur substance elle qui étouffait les échos de sa propre âme derrière des murs barricadés. Elle s'était enfoncée dans ce mutisme serein et défaillant, aigrie par la caresse d'espoirs interdis. Mais dans son cœur, la chaleur été désincarnée, tous ses tissus ne fonctionnaient plus, il n'y avait plus aucune convergence en elle, sinon ce système fabriqué et monté de toute pièces.
Elle ne donnerait rien, aujourd'hui, pour être à la place de ses jeunes. Elle avait atteint son objectif, elle s'était défaite du joug de tyrans, elle avait conquis, s'était affranchie et elle se sentait toujours aussi pitoyable qu'auparavant. L'illusion affable du bonheur lui était amère, gravée dans sa chair au fer brûlant, et il ne restait plus que sa pauvre carcasse éreintée, qui laissait le cauchemar régner sa vie. Il n'y avait plus de clameur en Margaret, elle qui avait tout ce qu'elle avait jamais désiré dans son passé, éternelle insatisfaite, incapable de se contenter de ce qui subsistait devant ses yeux. Elle voulait goûter avec un appétit gargantuesque la sensation d'être vivante, les infimes subtilités qui seraient capables de faire vibrer son âme, de soulager tous ses fardeaux et de lui faire oublier ses maux. Mais on en désirait toujours trop, on en avait jamais assez, et elle n'était qu'une fade créature irrévérencieuse. Et elle était punie pour ses caprices puérils.

Quelle laideur elle faisait, réussissant à imprimer sur ces traits ce sourire, alors que son esprit n'était que des plaintes aiguës destinées à n'importe quel dieu prêt à l'entendre. Mais il n'y avait rien, rien dans le ciel, rien sur cette terre pour un cœur en faillite. Elle continuait à arpenter sa voie, elle continuait de pécher. Son visage inébranlable voulait pleurer sa douleur mais ses yeux n'arrivaient pas à produire ses larmes que chantait son cœur, inlassablement.
Vieille merde, ouais. Dans ce cas, elles étaient deux. Mais il n'y avait rien à faire, rien pour faire fuir ces sentiments néfastes. Peu importe les ramures de leurs conditions, les deux femmes étaient impossibles à réparer. Les morceaux retombaient, s’effritant au contact des autres. Et leur douleur, aussi horrible et pénible pouvait-elle être, était insignifiante. Comme le prouvait ces gamins qui perçaient le silence par leurs éclats de rire, la vie était, continuait, peu importe l'hérésie des uns ou bien des autres. Et Margaret se sentait impuissante, totalement à part de cet univers. Ouais, elle n'avait que ses fictions et ses afflictions désuètes. Elle avait besoin d'être rassurée, elle avait besoin de cette main pour la guider. Mais il n'y avait jamais eu personne, et jamais il n'y en aurait, alors elle gardait cette attitude fuyante, s'enfermant dans cette enveloppe construite par un autre. La solution de la facilité, détestant l'homme de l'avoir ainsi transformé. De toute façon, tous ses essais étaient voués à un échec.

_ On pourrait... répondit finalement la jeune femme en un souffle.

Sa voix ne reflétait nulle conviction, tout comme la suite confirma le manque d'aspiration de son interlocutrice. Elle confronta son propre regard vide à celui presque désespéré de Jolibelle, et un rire s'échappa de ses lèvres, perforant. Aux confins de leurs êtres, elle savait bien toutes deux ce qu'il en était réellement, et c'était là la dérision de celui qui errait sans but et sans fin. Cela ne faisait que raviver les brûlures indolentes,  mais l'obsession était leur fléau, car elles savaient. Et elles étaient ainsi faites, emprisonnées à cette désolation, obligée de répondre à ses exigences et à s'y soumettre.

_ Peut-être.

Cela dépendait, en effet. Et la peau de ce blanc cadavérique appartenant au visage de Margaret tressaillit légèrement. Sur son épiderme la mort la rongeait déjà, elle assombrissait ses yeux ternes, et la hantait derrière ses cernes. Son corps était détérioré, la beauté la fuyait, laissant place à l'épuisement, souverain. Alors elle entrouvrit légèrement ses lèvres pour une nouvelle gorgée de whisky. Il ne lui restait que plus que sa survie, sa dernière possession, avant de tomber au combat elle aussi. Elle étreignait les derniers souffles insufflés dans son corps, elle essayait de réfuter cette envie d'en finir qui la traversait parfois insidieusement. Mais c'était déjà là, au fond d'elle, immonde infection qui un jour aurait raison. Mais pour l'instant, elle ne succombait pas, pas par courage. Par dépit et par lâcheté, sûrement.
Sa rage n'était qu'un vulgaire maillon de ce qui lui donnait encore la force de faire battre son cœur. Mais chaque inspiration d'air déchirait ses poumons, et elle sentait sur la surface lisse de sa peau les excavations immenses laissées par les jours qui s'enchaînaient les uns après les autres. Certains préféraient partir, pour le mieux ou pour le pire, sans un regard vers l'arrière. Margaret aussi avait connu quelqu'un, qui était parti par culpabilité, mais surtout par dépit et égocentrisme. Cela n'avait que davantage creusé le fossé en elle, qui était restée derrière, seule désormais. Et elle ne pourrait pas oublier cela, elle non plus. Malgré tout ce que cette personne avait pu lui faire souffrir, elle avait perdu une partie d'elle lorsque la mort l'avait accueilli dans ses bras.

_ Moi aussi j'ai connu quelqu'un comme ça, finit-elle par dire sans rien rajouter.
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyMar 10 Nov - 21:40

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Premier masque.

Margaret Ailyn & Jolibelle.


Je vais être honnête avec toi, chère, je ne sais pas toujours ce que je cherche, je me trompe souvent, mais j'ai bien senti que ce n'était pas la compagnie de Margaret que je désirais, ou dont j'avais besoin. On pourrait, qu'elle me répond à ma proposition idiote de refus d'être malheureuses. Mais dans sa voix il n'y avait aucune conviction, et ça a achevé l'infime morceau de celle qui restait en moi. Je crois que si elle m'avait dit on pourrait d'un ton énergique, si elle avait relevé la tête, si ses yeux avaient pétillé, j'aurais eu la force d'y croire. Mais là c'était impossible, pour l'une comme pour l'autre. Foutues, voilà ce qu'on est. Je ne regardais toujours pas Margaret, j'ai appuyé mes mains contre mes yeux, fort, pour faire apparaître des couleurs dans le noir, des étincelles, des ronds. Pour effacer ton image. Margaret a ri, à ce moment-là, d'un sale rire, et j'ai retiré mes mains. J'ai regardé autour de nous mais il n'y avait rien de drôle. « Quoi ? » j'ai demandé, en cherchant bêtement une cause à ce rire. Je ne l'ai pas dit fort, je me suis comme étranglée, c'était bizarre, alors j'ai terminé le mojito d'une traite. J'avais l'impression d'être enfoncée dans la brume.

Margaret m'a répondu que la mort était peut-être une solution. Peut-être. « T'es prudente » j'ai fait remarquer. Je me demandais si elle était capable de s'exprimer par des phrases contenant plus de deux mots. Je chipotais à mes bracelets. Pourquoi est-ce que j'avais lancé ce sujet de conversation, sacré bordel. D'ordinaire, dans un café, on parle fort, on se marre, on boit, on zieute les beaux mecs et on se moque des moches. On passe pour des andouilles, et c'est ce qu'on est, mais enfin on se distrait un peu. Avec Margaret j'avais juste la sensation de me paumer davantage. Elle m'a sorti qu'elle avait aussi connu quelqu'un qui s'était flingué, mais c'est tout. Elle n'a rien dit d'autre. Je me suis mieux calée sur ma chaise, j'ai posé les coudes sur la table (j'avais l'impression que la pièce tanguait légèrement) et je lui ai demandé le plus doucement possible : « C'était qui ? » Ça m'intéressait. J'avais envie de découvrir d'autres parcours, d'autres souffrances, et comment Margaret s'en sortait, de toute cette vie à la con ?

« Tu crois qu'il y a un truc, après ? » Je ne savais plus trop quels termes je devais employer. « Un coin qui nous attend ou quoi, une fois mortes ? J'avais une amie qui m'avait dit qu'il fallait croire à un paradis, car imaginer ceux qu'on aimait et qui sont morts comme étant six pieds sous terre ou un tas de cendres éparpillé aux quatre vents, c'était trop rude. T'en penses quoi ? » J'ai commencé à déchiqueter une serviette en papier vert qui traînait sur la table. Morceau par morceau. Débris sur débris. C'est tellement facile de déchirer du papier. On tire un peu, et toutes les structures se cassent. Finalement, c'est tellement facile de foutre sa vie en l'air. Il suffit de la briser entre ses doigts. Ça m'a fait peur, cette réflexion, et en même temps je me suis mise à sourire, d'un sourire affreux, je ne sais pas. Comme si après tout ça m'amusait, toute cette absurde fragilité.

Bizarrement j'ai pensé à Lo, à mon gamin de trois ans, j'ai pensé à lui à l'âge de vingt-et-un ans, blasé, détruit, mal foutu, suivant les traces de sa mère. Moi, j'aurai alors trente-neuf ans. Je me demande bien à quoi je ressemblerai, tiens... Si ça tombe, je serai mariée et j'aurai deux autres mômes. Ou bien je ne serai plus là. Définitivement plus là, et que le monde se démerde sans moi.
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyMer 11 Nov - 2:39

Margaret était un être exécrable, se fendant de moues affables et enfantines sur son innocent faciès, fuyant la peste qui imbibait tous les pores de sa peau. Seulement il était impossible de fausser compagnie aux manœuvres de cette misère désolante, et il ne restait plus que les fossés, qui ne cessaient jamais de s'élargir et qui la séparaient de toutes les merveilles de ce monde. Elle n'avait plus d'excuse laide comme offrande, son corps piétinait dans la déchéance et elle sentait peu à peu se déliter cette essence qui l'animait, à défaut d'avoir de quoi s'accrocher. Ses maux résonnaient pour se perdre dans l'inconnu, sans que personne ne soit là pour éponger ses peines, recoller les fragments de son âme.
Elle avait Jolibelle, qui ne soignait nullement son mal, qui l'attirait avec ardeur dans les méandres du dépit, la où l'insanité était de mise et le désarroi le bienvenu. Car elle avait beau s'armer de ses parures immaculées, étirer sur ses traits des expressions indolores, ses yeux ne savaient plus briller. Ils avaient perdus l'éclat propre à l'humanité, il n'y avait aucune lueur en leur sein, rien d'éclatant. Ils étaient sans saveurs, sans goût, et elle ne possédait que des fragrances fades et délaissées, que rien ne saurait raviver. Alors la jeune femme arborait toujours cette même façade, elle avait cette apparence saine qui s'éteignait dans les ténèbres d'une contagion maladive qui ne cessait de s'étendre. Et elle continuait de chercher cette compagnie aussi malsaine que perfide, car ici elles se comprenaient sans qu'une parole ne se perde inutilement, sans poursuivre un espoir inutile.

_ C'était celle qui m'a élevé, finit-elle par répondre simplement, sans donner de quoi réellement satisfaire la curiosité.

Elle repensa à cette femme aux traits durs, qui dans ses derniers jours avaient vu son visage devenir saillant et émacié. Face à la mort, elle n'avait plus ressemblé à cette barbare qui l'avait frappé, elle avait perdu cette apparence de monstre pour devenir ce déchet. Un élément corrosif, qui avait mérité pire châtiment que la mort pour avoir accompli dans sa vie de nombreux vices, n'était plus. Et dans son infâme narcissisme, la mort avait accueilli dans ses bras tendres ce désastre d'humain, débarrassant le monde de cette abomination.
Elle avait laissé Margaret confuse et égarée, elle qui n'avait plus désormais de figure autoritaire pour lui dicter ses actes, lui donner des actions à exécuter. Elle avait abandonné ce robot, cette machine ayant atteint la perfection, pour un meilleur monde. Ou un pire. Et ainsi, elle avait perforé sa gorge d'un énorme trou béant, tandis que ses yeux s'étaient vidés de la vie qui s'échappait doucement de ce corps. La jeune femme se souvenait de cette vision qui avait perforé chaque nuit ses rêves, jusqu'au bruit de cette détonation qui résonnait dans son esprit. Elle avait des réclamations interminables qui n'auraient jamais de suite, jamais de réponses. Les questions se pressaient sur ses lèvres, mais nulle ne franchissaient sa gorge. Elle était assaillie d'un flux incompréhensible d'émotions sans raison, et seule l'incompréhension demeurait désormais, bousculant tout ce qui avait été programmé avec froideur. Elle n'avait rien compris, n'avait pas réussi à saisir le sens de tout cela et elle ne savait pas pourquoi elle n'avait pas été amené dans la rage de cet être qui aurait certainement du lui enlever son existence avant de s'en aller. Mais elle avait survécu.
Péniblement et sans aucune possession.

_ Juste le néant. Pas de pensées, ni de souffrances. Juste la paix.

Elle plongea alors ses yeux dans ceux de son interlocutrice. Son regard, bien que toujours aussi vide, affichait cette infime conviction ardente. Elle savait - ou plutôt elle le désirait plus que tout, avec égoïsme et désespoir - que la sérénité les attendait, juste là, quelque part, et ce serait l'anéantissement définitif d'une aventure qui n'avait aucun mérite, aucun goût. Il y avait - il devait y avoir - un endroit où les échos ne s'alimentaient pas de scrupules ni de l'immondice des hommes, quelque part où rien n'était là pour perturber le reste, où rien n'était tout simplement, sinon le silence indéfini pour l'éternité.
Et elle sentait sur son épiderme cette envie sulfureuse se répandre pour s'y baigner. Elle ne sentait aujourd'hui que l'immensité de ce solitude qui faisait ployer son corps, abaisser ses épaules en une chose informe, inhumaine. Mais même si cette vérité pouvait ressembler évidente ou la plus logique, elle n'en demeurait qu'incertaine à tous les points. Peut-être que l'enfer des flammes les attendait. Peut-être qu'il n'y avait tout simplement que des châtiments pour ceux ayant péché toute leur vie. Ils seraient condamnés aux champs d'Asphodèle, ou contraint de subir une torture pour l'éternité durant. Et aussi désireuse elle était de cette paix absolue, elle ne se sentait pas assez muée par cette envie pour la tenter si une supplique encore pire l'y attendait. Alors elle esquivait, menteuse invétérée, attendant que le salut ne s'offrait à elle, immonde progéniture. Torturée, elle se sentait asphyxiée par toutes ses pensées qui tourbillonnaient sans fin, mais les braises avaient été attisés et et elle se perdait encore dans une nouvelle fiction où le paradis lui ouvrirait les portes.
Ouais, encore des conneries.
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyMer 11 Nov - 21:09

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Premier masque.

Margaret Ailyn & Jolibelle.


Apparemment, la personne que Margaret avait connue et qui s'était suicidée était ''celle qui l'avait élevée''. Elle n'a rien précisé de plus, mais ça m'a fait un choc. Merde, j'ai pensé. Cette similitude entre nos histoires, ça m'a un peu glacée. « Ta mère ? » j'ai demandé, dans un souffle. J'avais beau scruter son visage ovale, il ne reflétait rien. Tristesse, dégoût, colère, que sais-je, non, rien, juste une espèce d'indifférence souriante, nothing else. Comment est-ce qu'elle fait, je me suis interrogée. Comment est-ce qu'elle fait pour se construire une façade pareille. Margaret qui ne dit rien, qui siffle du whisky en deux coups de cuiller à pot, qui peine à aligner plus de trois mots dans une phrase. Qu'est-ce qu'on était venues foutre ici, toutes les deux ? J'ai pensé à Abe, tellement vivant et curieux, intéressé, comparé à Margaret. Putain, il me manquait, d'un coup. J'aurais voulu me téléporter dans son appartement, me mettre en pyjama et aller me coucher, même s'il n'était même pas dix-huit heures. J'aurais voulu me rouler en boule sur mon lit et écouter de la musique sur mon Iphone. Laisser des voix mélodieuses me bercer, plutôt que celle de Margaret, dénuée d'émotion, qui énonce des faits et rien d'autre. Comment est-ce qu'elle fait son compte, bon sang ?

Selon Margaret, la mort n'offre que le vide, mais un vide apaisant. Juste le néant, juste la paix. C'était aussi la définition que tu donnais. Alors, chère ? Est-ce que tu l'as trouvée, cette paix ? J'ai baissé les yeux sur la serviette que j'avais réduite en charpie. « Oui, sans doute » j'ai dit, vaguement. Mais ça m'effraie. D'imaginer qu'il n'y a plus rien. Qu'une fois morte, je serai détachée de tout et que jamais je ne reviendrai ''à la normale''. Qu'une fois morte, je le serai toujours. A dix-neuf ans, j'avais trouvé cette perspective accueillante. Non, en fait, je n'y avais pas pensé. Je veux dire, je voyais la mort juste comme une grande pause, un long moment de répit ou quoi. Mais je ne m'étais pas vraiment focalisée là-dessus. « Ça ne te fait pas peur ? » j'ai demandé à Margaret. Je supposais qu'elle me répondrait oui ou non. L'un ou l'autre, mais pas davantage. Dans la vie, il n'y a aucun foutu juste milieu : regarde Heinrich Leibovitz, avec qui j'ai fait du théâtre une fois, il y a un an environ. Je le vois parfois, et à chaque coup notre entrevue dure des heures. Il cause, il cause, il cause. De lui, bien entendu. Ça me saoule. Maintenant prends Margaret Ailyn : elle ne sort pas cinq mots sur une heure, à moins qu'on ne l'y oblige (comme j'étais en train de faire). Quelqu'un entre les deux, ça n'existe pas. « Quelle vie stupide » j'ai dit, et en fait je n'avais pas l'intention de le dire à voix haute. Ça m'a comme qui dirait échappé. Je me suis mordu la lèvre.

« Hé, Margaret » je l'ai interpellée, tout à coup. Je me sentais inspirée. « Qu'est-ce qu'on fout là, en fait ? D'ordinaire quand je retrouve quelqu'un dans un café, je me plains qu'on discute de sujets pourris, qu'il n'y a pas moyen d'avoir une conversation sérieuse on va dire. Et là, on parle suicide, mort, et qu'est-ce qu'on va devenir. Je n'sais pas ce que je veux, finalement. Ça me déprime de parler de ça et en même temps si on discutait du futur tournoi entre Reions je trouverais ça barbant. Merde ! En voilà un bon sujet, tiens. Le tournoi. Il y en a un qui s'organisera bientôt, non ? J'ai entendu une rumeur là-dessus. Je me disais que je m'y inscrirais bien, en tant que chanteuse professionnelle et tout. » Putain, t'aurais entendu mes conneries. « Et toi, tu n'as pas envie d'essayer ? Mon père y a participé une fois. Quand il était jeune et tout – et son pouvoir c'est la régénération. S'il s'est blessé ou quoi, il sait se guérir, mais ça marche uniquement sur lui, pas sur quelqu'un d'autre. Bref, la fois où il a participé il s'est fait battre à plate couture et ça l'a totalement dégoûté. Il est du genre à se braquer à vie pour des trucs pareils, je te promets. En tout cas moi ça me tente bien. Je ne vois pas trop comment je pourrais affronter quelqu'un en chantant – surtout si mon adversaire contrôle le feu ou un truc du style – mais bon. J'ai rien à perdre. »

J'ai lissé les manches de la chemise blanche que je portais. Rien à perdre, non. Ni à dire des bêtises ni à en faire. Avec tout mon ramassis d'idioties j'espérais faire sourire Margaret. Juste un peu. La faire vivre une seconde, parce que ses yeux sont complètement vides. La faire se passionner pour des foutaises, un instant. La vie, aussi merdique qu'elle soit, c'est aussi ce fatras de futilités.
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyJeu 12 Nov - 10:08

Contrairement aux autres, Margaret ne posait jamais de questions. Elle n'avait pas souvenir en elle d'un processus tel que la curiosité. Avec introspection, elle chercha au fond d'elle la définition de ce concept humain, mais elle n'y voyait là qu'un effort désespéré, oisif, servant à rassurer l'homme de sa condition en la comparant à d'autres. La curiosité n'était qu'un prétexte embelli servant à extorquer de force des informations, pour savoir si l'autre possédait une vie meilleure, ou bien pire. On pouvait y voir là jalousie, ou bien une forme de complexe d'infériorité cherchant à se rassurer par des vérités enfouies dans le passé de l'individu. La jeune femme ne satisfaisait pas cette soif intarissable qu'elle ignorait souvent, la commissure de ses lèvres était cousue pour ne pas laisser s'échapper de réponses. « Sois belle et tais toi » lui rappelait son enseignement. Elle s'était toujours dissimulée derrière des sourires ingénus, derrière une façade neutre qui ne laissait pas de place à des répliques. Mais aujourd'hui, son éducation se fondait dans des pensées disparates. Tout avait été remis en question, tout avait cessé de posséder une raison désormais que sa famille n'était plus et il ne restait plus que ses mauvaises habitudes silencieuses.

_ Ma belle-mère, répondit-elle finalement. Elle me frappait, ajouta t-elle avec nonchalance, le même sourire affable imprimé sur son visage.

Elle ne se souvenait plus réellement du visage aux traits durs de cette femme, remplacée par l'image de sa terrible agonie. Elle ne savait pas non plus ce qui l'avait poussé à parler, à percer ce silence dans lequel elle s'était réfugiée depuis si longtemps. Mais elle n'avait dit là que des banalités, énoncer de simples faits, et c'était là la base de la conversation à en juger par les humains. Puisque c'était Jolibelle, elle se sentait affecté par cette sensation étrange qu'à elle, elle pouvait tout partager. Alors elle se répugnait à donner des réponses, elle si peu loquace, cédant à cette notion humaine qui lui faisait tant défaut.
Sa réponse laissa un froid, pourtant, meurtrissant cette conversation placide. Ou plutôt elle sentait le poids des pensées de Jolibelle sans en être elle-même affectée. Et lorsqu'elle reposa son verre sur la table, il était entamé de moitié. Elle sentait les yeux de son interlocutrice scruter ses traits imperturbables qui ne changeaient jamais. Ni tristesse, ni remords, les mécanismes de son esprit lui permettait de garder ce sang-froid à tout épreuve, sa belle-mère lui avait même ôté tous ses sentiments parasites inutiles qui pouvaient avoir de l'emprise sur les agissements d'un individu. Elle avait sombré dans cette passivité indolore, là où l'ignorance était la solution. Il s'agissait de principes funestes, mais ils avaient été perfection à une époque où les Ailyn étaient puissants, avant. Aujourd'hui ils n'étaient plus que des brouillons difformes et inachevés, et Margaret n'était plus qu'un prototype abandonné.

_ Pas vraiment, fit-elle d'une voix douce.

La peur était ce qui suffoquait les hommes et les conduisait à faire des actes irréfléchis. Seule sa raison était souveraine, et nulle frayeur ne pouvait résonner dans son être. La peur faisait partie de ses émotions versatiles malvenues pour une marionnette, alors on l'avait débarrassé de ce désagrément. On lui avait insufflé une confiance et suffisance à toute épreuve, elle avait appris à la dure qu'un robot n'avait aucune crainte à avoir puisqu'il ne ressentait pas.
Il demeurait encore les stigmates de la violence qui avait étreint sa chair sur ce pantin à la carcasse vide. Sur sa peau siégeaient les cicatrices témoignant de nombreuses blessures infligées durant toute sa vie durant, mais elle les avait toutes acceptées, sans broncher, car cela n'avait été que des leçons de plus. Tout comme elle avait présenté le même visage impassible face à chaque coup qu'on lui offrait. Pour elle désormais, il ne s'agissait que des souvenirs indolores, insipides qui lui seyaient que trop bien étrangement. Elle ne cachait pas ses blessures sur ses bras nus, et encore moins ne cherchait à dissimuler quoique ce soit, bien que personne ne s'imaginait une telle histoire derrière.

Puis soudain l'interpellation de Jolibelle s'enchaîna sur un flot de paroles qui donnait l'effet d'une brise se soulevant avec un certain caprice. Contrairement à la jeune femme, elle avait un goût certain pour la parole. Elle s'exprimait avec tant de mots, pour rien et tout dire, arrachant le silence à sa solitude. C'était probablement du à son pouvoir qui se cachait dans sa voix, et c'était peut-être la raison qui poussait Margaret à parler au lieu de se conforter dans le silence avec lasciveté. Son interlocutrice possédait ce déferlement impérieux qui arrivait à réveiller ses lèvres scellées et le silence rompu sonnait comme une étrange mélodie presque absurde. Et dans sa façon d'être, dans toutes ces paroles sages et à la fois gorgées d'inepties, elle y retrouva là un des traits caractéristiques des humains qu'elle ne comprenait pas.
Et dans son inspiration enfantine, elle ressemblait à une créature innocente qui prenait vie dans l'inconscience. Elle possédait ce souffle de vie qui insufflait du mouvement à chaque syllabe. Elle entamait d'impressionnantes mélopées, si vivante aux côtés de la jeune femme qui faisait pâle figure. Mais chacune d'elle possédait sa propre définition de ce qui était anodin, et chez Jolibelle il s'agissait de sa vivacité qui la muait dans chacun de ses mots. Pourtant elle ne ressentait au fond d'elle aucune envie, elle sentait juste cette sérénité paisible l'atteindre dans sa monotonie.

_ Peut-être que je vais participer moi aussi, glissa t-elle, une fois que le silence avait repris ses droits.

Mais de nouveau, ce vide fut déchiré, cette fois-ci par le rire cristallin aux notes appliquées de tendresse de Margaret qui laissa son plus beau sourire ravageur repeindre ses traits. Son visage regagna cet éclat tendre dont elle se paraît très souvent avec les hommes. Elle était presque fascinée par cette légèreté chez son amie, qui arrivait à jongler entre les plaintes déchirantes, les notes plus sobres et celles aux intonations joyeuses; elle qui n'utilisait qu'un seul véritable visage, celui aux traits impénétrables ou ses masques déjà composés.
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptySam 14 Nov - 12:50

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Premier masque.

Margaret Ailyn & Jolibelle.


Peut-être que finalement, on peut vraiment s'acclimater à tout, et particulièrement au pire. Margaret souriait quand elle m'a dit que sa belle-mère la battait, de son drôle de sourire creux, dont on suppose qu'il n'a rien de joyeux. Je l'ai dévisagée attentivement, plus que jamais, elle, son visage pâle, ses cheveux bruns, sa figure qui sait se transformer, se modifier en une autre tête complètement différente. Je me suis demandé combien d'années d'entraînement il fallait pour avoir ce visage presque jovial en annonçant une réalité sordide de l'existence. « Elle te battait ? » j'ai répété, et moi je ne souriais pas du tout. Cette phrase m'avait glacée. « Quand tu étais môme et tout ? Putain, quelle horreur. » Quelles foutues horreurs il nous faut affronter. J'ai songé qu'au moins, être battue m'avait été épargné. Toi et moi, on s'est souvent disputées, à la fin surtout, mais on n'a jamais levé la main l'une sur l'autre. Enfin... Excepté la fois où je t'ai giflée, mais bon, j'étais tellement énervée. Tu étais là, devant moi, et tu refusais de faire quoi que ce soit. Tu ne voulais pas bouger, tu ne voulais pas agir, tu étais molle. Je me souviens que tu n'as rien dit quand je t'ai frappée. Tu as juste levé les bras devant ton visage, lentement, et tu t'es recroquevillée. Merde, je ne l'oublierai jamais. Je me suis sentie si mal, après. On n'en a jamais parlé. Peut-être qu'on aurait dû, chère ? Peut-être que ça aurait évité bien des choses ?

Bref, j'étais là, en face de Margaret, et de repenser à toi ça m'a fait froid dans le dos. Je me suis demandé si je devais t'évoquer à Margaret. Je me suis dit, après tout pourquoi pas. Lance-toi, je me disais et tout. Mais si j'avais les mots à l'esprit, ils ne voulaient pas sortir. J'ai commencé à dessiner des trucs du doigt sur la table en faux marbre. Margaret a sorti à ce moment-là que le néant ne l'effrayait ''pas vraiment''. Je n'ai pas réagi. J'aurais voulu qu'elle me tende la main et m'aide à sortir de cette atrocité mais je sais bien qu'elle est loin d'être la personne désignée pour ça. Et puis il y a eu toutes mes conneries sur le tournoi, et Margaret a dit qu'elle participerait peut-être. Ensuite elle s'est mise à rire. Son rire m'a semblé si incongru, si laid, que j'ai sursauté et je me suis exclamée : « Mais qu'est-ce qui te fait rire ? Il n'y a rien de marrant. » Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça. J'étais plutôt tranquille jusque là, mais tout à coup je me sentais à fleur de peau.

Je déteste ça, sauter d'un état à l'autre, être comme lunatique. Peut-être parce que ça me fait penser à toi, à l'époque où tu prenais des dizaines de comprimés par jour, où tu étais complètement en déséquilibre, où tu faisais des efforts pour être normale, on va dire, tu essayais de préparer les repas, de t'assurer que la maison était en ordre et tout, d'être aimable avec les autres. Je me souviens très bien que le soir, ça périclitait, tu n'étais plus assez forte, tu riais mais avec un rire aigu qui s'arrêtait vite, puis tu devenais amorphe et parfois tu pleurais. Je ne savais jamais quoi faire avec toi. Et maintenant, c'est mon tour, encore que ça aille mieux qu'il y a deux ans, mais ce n'est pas fameux quand même. Enfin, peu importe, ce que je voulais dire c'est qu'après le rire de Margaret, j'ai remarqué qu'il faisait assez calme dans le café, que la plupart des consommateurs avaient le regard fixé sur l'écran plat qui était posé au-dessus du comptoir. Il y a eu un attentat dans le monde, aujourd'hui, je ne sais plus trop où, mais tout le monde était là à regarder et à écouter le flash d'informations. Ça parlait de dizaines de tués et tout. De voir ces images à l'écran, ces mouvements flous de gens en train d'essayer de sauver leur peau, d'entendre les nouvelles toujours plus affreuses, ça m'a comme saturée. Je me suis levée sans réfléchir, j'ai attrapé mon long manteau noir neuf et je l'ai enfilé. Il y avait un serveur qui passait, je lui ai demandé l'addition pour les trois mojitos. Puis j'ai regardé Margaret. « Si on se tirait » j'ai dit. « Par pitié. Je ne peux plus supporter ça. » Ma voix était presque suppliante, bon Dieu.
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptySam 14 Nov - 22:01

Margaret avait atteint sa vingt-troisième année. Cela ne faisait que quelques mois qu'elle s'était affranchie, et il lui semblait pourtant que son passé n'était qu'un souvenir inaudible et funeste. Pourtant elle continuait à en traîner les immondes vestiges, avec son habituelle moue dédaigneuse qui se moquait du monde entier. Toute son entière existence s'était résumé à de simples principes qui du jour au lendemain avaient volé en éclats. Elle était infectée directement à la souche, gagné par une contagion qui corrompait ses entrailles, son cœur depuis bien longtemps. Chaque battement de son cœur, chaque pulsation sourde était contrôlé par ses convictions factices qui étaient pourtant ses vérités à elle.
Et cette année s'était écoulée lentement, laissant les jours s'accumuler sans qu'elle n'avait pu se débarrasser de cette sensation tiraillante qui lui retournait l'estomac chaque jour, chaque nuit. Elle fuyait un fantôme qui était accroché par des chaînes à chacun de ses membres, et son sourire maigre de femme battue n'avait pas quitté le sillage de ses lèvres. Chaque année qui passait n'était nullement une victoire dans son nouveau refuge, elle n'avait pas pu trouver cette paix qu'elle avait tant désiré, et son âme vagabondait toujours en de vastes fonds sombres où seul des pensées ténébreuses étaient. Elle ne fêtait jamais rien, ni fêtes, ni anniversaire car elle n'en avait pas. Elle était juste un robot, né et conçu un beau jour, qui n'avait pas à compter ses jours car le lendemain aurait très bien pu signer sa fin sous les coups imparables des membres de sa famille.

_ Entre elle et mon frère, il n'y avait que mon père qui ne levait pas la main sur moi, expliqua t-elle. Mais il ne faisait rien pour les en empêcher non plus.

Ce père, ce lâche, cet être faible qui avait cru la prendre en pitié en la recueillant chez eux. Il aurait mieux fait de l'abandonner sur un trottoir, à son triste sort où n'importe qui d'autre de meilleur l'aurait pris sous son aile. Non, il avait fait d'elle ce monstre, il avait laissé son sort entre des mains bien pires qu'un passant aurait pu être. Il avait échoué, en tant que père, et il avait toujours montré son visage d’effronté, en essayant de la préserver, de la maintenir en vie, peu importait comment. Il était mort, désormais, et rien ne pourrait réparer ses péchés.
La seule image qui lui restait de lui était ce visage figé devant son impuissance, les yeux vides tandis qu'elle se faisait maltraité, battre au sang. Ouais, il était mieux où il était, six pieds sous terre. Margaret ne regrettait pas sa disparition de ce monde. Elle ne ressentait pas de haine pourtant envers cette personne qui n'avait pourtant pas eu de mauvaises intentions, mais pas le courage de braver sa femme et son enfant. Il avait été silencieux, avait fermé ses paupières devant ces mauvais traitements, laissant aux autres le soin de parfaire l'éducation de cette bâtarde qu'il avait engendré, ô comble du malheur, lui qui avait fauté. Il avait semé la graine, et l'avait regardé poussé en tant que simple spectateur. Les ronces n'avaient jamais cessé de grandir en cet enfant, seulement jamais aucune fleur ne fleurira...

Désormais elle était perdue. Rongée par des sentiments corrosifs, où seul le désastre l'attendait. Elle  avait connaissance de sa propre ignorance, mais elle n'arrivait pas à comprendre tant de choses encore. Elle avait eu les pires exemples des hommes, de ces humains et leur infâme narcissisme et lâcheté. Pour elle, c'était ainsi. Tous étaient abominations. Elle n'avait connu ni l'éclat attendrissement d'une âme pure et innocente. Mais elle supposait qu'on ne naissait pas tous mauvais, au départ. Et c'était probablement ainsi que le monde les transformait. Aussi, impossible des les bafouer. Et tandis que les images de meurtres de masse passaient à la télévision, elle n'y vit là que l'humanité accablée par son propre fléau.
On récoltait ce que l'on sème, lui soufflait une voix à son oreille. Les débordements de l'homme n'était là qu'une démonstration de leur détresse, eux qui cherchaient désespéramment une raison, une voie pour les guider pour trouver de quoi donner de la consistance à leur existence. Il n'y avait personne, à ce jour, pour soigner ce mal et prodiguer les soins nécessaires à l'extermination de ces horreurs qui souillaient ces terres. Ici, dans ce royaume pourtant, une rébellion ou des actes terroristes semblaient inimaginables. Peut-être que ce dont le monde avait besoin, c'était d'une unité parfaite, ou quelqu'un pour tous les unir sous un même drapeau, pour ne faire plus qu'une âme. Qu'il n'y ait pas de biens à jalouser ou à envier pour déclencher des conflits. Or depuis le berceau de l'humanité, il en était ainsi, et il le serait toujours. Le monde serait toujours parsemé de combats, où les corps continueront de joncher, que ce soit de famine, de misère ou bien à cause de la guerre. Mais c'était dur de penser ainsi, ou dur de voir ces images atroces qui pourtant ne faisait ni chaud ni froid à cette marionnette vivante. Elle respecta cependant l'envie de Jolibelle, et paya son addition à son tour pour la suivre, revêtant sa veste en cuir.

_ Tu as une idée de lieu en particulier ?
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyDim 15 Nov - 11:37

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Premier masque.

Margaret Ailyn & Jolibelle.


Margaret n'a pas protesté, elle a payé ses whiskies et on est sorties. Il ne devait pas être très tard, peut-être dix-sept heures à tout casser, mais le crépuscule s'installait déjà. Le soleil était couché et il faisait caillant. Pourtant, j'étais contente de quitter le café, et l'air frais m'a aidée à dessoûler un peu. Il n'y avait pas grand'monde dehors, juste des voitures arrêtées au feu tricolore et tout. Margaret m'a demandé si je voulais aller quelque part en particulier, j'ai regardé autour de nous, je ne voyais pas d'abri, je ne voyais pas de lieu où j'aurais voulu me réfugier. « Non » j'ai répondu. « On pourrait se promener un peu. » J'ai commencé à marcher le long du trottoir, les mains en poche parce qu'il faisait tout de même sacrément froid, et je te promets que je n'avais aucune foutue destination en tête. Je voulais juste éviter les appartements, parce que c'est là que vivent Marilyn, Mathieu et leurs enfants, et puis surtout Lo. Je n'avais pas envie d'être au pied des immeubles et de me dire que là-haut, au troisième étage, il y a Lo. Alors j'ai entraîné Margaret le long des rues commerçantes.

Je repensais aux informations et tout. A l'attentat dans le monde. « Tu n'as pas l'impression d'être emprisonnée, ici ? Je veux dire, sur cette île » j'ai demandé à Margaret, en me tournant vers elle. « Quand j'étais gamine je ne comprenais pas pourquoi on allait jamais en vacances ailleurs qu'à la campagne, chez mes grands'parents, au bord de la mer. J'ai mis du temps à comprendre qu'on ne pouvait tout simplement pas quitter Colin's Island. » Je ne sais pas trop pourquoi je repensais à ça maintenant, quel rapport ça avait avec la tuerie au loin. « J'ai toujours eu envie de découvrir le reste du monde » j'ai poursuivi, « et je n'ai jamais compris pourquoi on est confinés ici. Tu le sais, toi ? » En fait j'ai subitement trouvé ça sinistre, d'être ici, du début à la fin. Ne jamais visiter autre chose, rester aux alentours de son passé, être incapable de s'ouvrir de nouveaux horizons. Quelle foutue vie, chère. Je me suis demandé, et si quelqu'un me proposait de fuir, disons pour l'Europe, est-ce que j'accepterais ? Je me suis imaginée, une seconde, dans un pays inconnu, avec Lo, juste nous deux. Eh bien, ça m'a semblé être une perspective souriante. Si seulement c'était possible.

« Au final c'est un peu comme l'existence et tout » j'ai continué, « on est là, on ne sait pas pourquoi, on fait de notre mieux avec, et on est incapable de fuir. Les issues n'existent pas, ou s'il y en a on n'a pas le courage de les emprunter. » Je sais bien quelle est la peine pour tentative de fuite, et ma foi je n'ai pas envie de l'expérimenter. Je sais tout aussi bien que le monde alentour n'est pas paradisiaque, qu'il y a aussi des monarchies, des hiérarchies, des règles tordues, des lois étranges, des gens de tous poils, fascistes, pessimistes, écologistes, croyants, athées, salopards, idiots, superficiels, intéressants, lucides, philosophes ; je sais bien que rien n'est parfait mais bon sang. J'aimerais quand même aller voir ailleurs. Je ne me sens chez moi nulle part sur cette île, tout est gorgé de souvenirs. Le Quartier Sud, je n'y ai plus mis les pieds depuis mes seize ans. Le Centre-Ville, je l'évite parce que j'ai toujours peur de tomber sur mon frère, sa famille et sur Lo. Le Quartier Ouest, je ne peux pas m'empêcher de nous revoir, nous trois – toi, moi et Mathieu, du temps où il vivait encore avec nous – déambulant dans les rues, jetant du pain aux canards au Parc, et surtout dans notre appartement au deuxième étage, où on a vécu treize ans. Le Quartier Est, c'est là que j'habite depuis deux ans, mais je ne m'y plais pas pour autant. Finalement, il reste le Quartier Nord, où je ne vais jamais – pourquoi faire ? Et la campagne. Mais le bord de mer est lui aussi trop chargé de souvenirs. A la fin, on y venait si souvent, toi et moi. J'ai du mal à m'y aventurer seule.

« Tu habites où, déjà ? » j'ai demandé à Margaret. Peut-être qu'elle n'avait pas ce problème. Peut-être que chez elle, elle se sentait bien. Je le lui souhaitais presque, tellement elle a l'air détruite, cette fille. Je me suis remémoré sa famille lui tapant dessus, et je me suis demandé comment on peut vivre avec ça. Avec le souvenir de quelqu'un qui vous a voulu du mal, qui vous a maltraité, et vous n'avez jamais compris pourquoi.
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyDim 15 Nov - 16:48

Les rouages engrenés de cette machine – car oui Margaret en était une – étaient fissurés d'une profonde blessure qui la meurtrissait, sans raison. Elle avait été étrangère à de nombreuses valeurs, elle s'était tenue debout dans l'indifférence totale face à la mort, elle avait endossé son rôle jusqu'au bout quitte à tout sacrifié – y compris ses rêves et son humanité -, elle avait supporté le regard des autres en silence, elle avait ignoré la haine, le dégoût et tous les autres ressentiments émis des autres à son égard ; elle avait tout enterré, faute d'avoir pu s'en débarrasser. Parfois, des fragments ressortaient, ténus et fragiles, des sensations qu'elle ne comprenait pas mais qui l'assourdissaient, comme si quelque chose en elle voulait se réveiller, comme si une partie d'elle souhaitait se révolter.
Il y avait cette peine sourde et incompréhensible qui l'assaillait sans qu'elle ne pouvait mettre de mots dessus. Enfouie dans des mémoires inaccessibles, plus le temps passait, plus elle n'arrivait pas à saisir ces divers et complexes maux qui la malmenaient. C'étaient des choses qui lui étaient indescriptibles, cachées dans les méandres de son esprit, où se substituait le système froid et automatique du robot au cœur de l'humain écartelé par cette voix étouffante qui essayait de répliquer.

Plus que jamais, elle sentait le poids de son existence frémir sur sa peau, étreindre sa chair. Je ne suis pas un humain. Je ne suis pas un monstre pourtant. Je ne suis plus un robot désormais. Je ne sais pas ce que je suis. Elle n'arrivait pas à déceler le vrai du faux, savoir si ces sentiments étaient réels ou de simples fabrications eux aussi imprimés de force par sa famille. Elle ne savait plus si ses agissements étaient calculés ou si elle agissait par elle-même de son plein gré. Elle se sentait seule, vulnérable en ce monde si vaste, si grand. Et elle ne pouvait se raccrocher à rien, tout son univers s'était écroulé sous des interrogations fugaces que ni la connaissance ni l'ignorance n'avaient su résoudre. Elle se demandait si y réfléchir était un signe qu'elle recouvrait son libre-arbitre, elle s'interrogeait sur les raisons qui la poussaient à jouer, si cela lui permettait de restituer une part humaine d'y penser. Mais elle étouffait ses questions, à défaut d'y découvrir une réponse quelque part, peut-être trop effrayée d'y apprendre une vérité douloureuse. Peut-être par peur de savoir ce qu'elle était véritablement.
Et les mots lui manquaient, comme toujours, et elle gardait sa confusion pour elle-seule, affichant ce même visage placide et impénétrable. Parfois, elle regrettait le passé, elle regrettait son ignorance – bien que feinte – où elle n'avait qu'à obéir aux ordres sans se poser de questions, sans qu'il n'y ait tant d'interrogations, qu'elles soit morales ou non. Avant, tous ces concepts étaient irréels, juste des ombres obscurcissant parfois ses pensées, rien de véritablement concret en somme. Aujourd'hui, ils étaient son fléau, chaque jour que se levait le soleil.

Et même si elle avait réussi à tisser des liens, même si elle avait pu se lier d'amitié avec certains – prenons par exemple Jolibelle qu'elle voyait souvent – elle ne ressentait cependant pas une présence assez importante pour servir de soutien. Non, elle sentait toute son âme être écrasé, avalé par des choses qui la dépassaient amplement. Même avec tout son détachement, elle poursuivait ses émotions insaisissables, essayant d'y trouver là la moindre substance. Mais elle était trop vide, trop creuse, trop glaciale. Et même si un léger changement était en marche, combien de temps faudrait-il pour panser ses blessures indélébiles ? Etait-il seulement possible d'inverser le processus qui lui avait été fait ? Margaret avait toujours été prisonnière, enfermée dans une cage faite d'un acier imprenable qui l'avait transformée. C'était sa réalité.
Et elle n'était certainement par la meilleure personne pour répondre à une question pareille.

_ Peut-être qu'on s'en sort mieux ici qu'ailleurs, éluda-t-elle finalement.

Elle avait essayé de fuir toute sa vie des démons, espéré trouver la rédemption. Et il n'y avait nulle place où l'homme ne se querellait pas, il n'y avait nul endroit où la vie ne tenait pas un fil pour des raisons aussi absurdes que grotesques. On enviait souvent ce qu'on ne possédait pas, car ailleurs semblait toujours meilleur. Et c'était la malédiction de Margaret qui l'avait perdue, qui l'avait trainé dans des abysses de haine, dans un cercle vicieux de malheurs. Oui, elle avait tant voulu, tant désiré qu'une fois qu'elle avait obtenu l'objet de ses envies, elle n'avait ressenti qu'un vide encore plus immense au fond d'elle. Alors elle ne désirait plus, n'avait plus aucun souhait personnel ou égoïste. Et le monde extérieur pouvait rester ou il était, ce n'était pas ses affaires. Depuis le berceau de l'humanité, les conflits étaient inscrits dans les fibres noueuses de la nature humaine, à jamais et pour toujours. Tout comme l'égocentrisme, le narcissisme et l'envie faisaient partis de l'ordre des choses. Lorsque l'homme désirait un objet, il s'en emparait. Peu importait le nombre de folies qu'il pouvait laisser sur son sillage, peu importait même les raisons au début, ni les moyens, il ne s'agissait plus que d'une conquête. Et un accès à cette chose dont les hommes rêvaient tous : le pouvoir.

_ Je suppose que c'est pour mieux nous contrôler, lança t-elle dédaigneusement, un sourire âpre sur les lèvres.

Voyager ne l'intéressait pas outre-mesure, on ne lui avait jamais appris à saisir la beauté des paysages, ou l'essence de la magnificence. Elle avait juste compris que ce qui était beau était un outil, tout comme elle avait revêtu de nombreux visages uniquement dans ce but. Fuir non plus ne semblait pas envisageable. Tout comme la découverte n'avait rien d'intéressant pour une personne encore étroitement emmêlée dans ses liens.
Elle comprenait cependant le désir de liberté, elle qui l'avait pendant longtemps recherché. Mais là aussi, il ne s'agissait que d'une quête irréaliste, factice, créée pour insuffler de l'espoir à ceux assez naïfs pour y croire. Certains vivaient grâce à cela, d'autres en mourraient de désespoir. Ce n'était que futilité, invraisemblablement. Beaucoup vivaient dans l'illusion ici, beaucoup pensaient avoir leur propre libre-arbitre, mais ici-bas la monarchie régnait. En haut de la société siégeaient les Reions Suprêmes qui régissaient tout. Et tout en bas de l'échelle survivaient les plus faibles. Margaret appartenait à la classe moyenne, pas trop inquiétée par ses rangs insignifiants pour elle. Elle avait toujours été un pion, une carte à jouer pour un Reion avide. Et demain peut-être elle le serait encore.

_ J'habite dans le centre-ville, répondit-elle. Si tu veux, on peut s'y rendre après s'être promenées.

Là-bas, un vieux paquet de cigarettes traînait. Elle aurait bien envie de s'en fumer une, là, maintenant.
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyDim 15 Nov - 21:24

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Premier masque.

Margaret Ailyn & Jolibelle.


Tu avais une manie bizarre. Quand tu lisais un roman, un article dans le journal, ou n'importe quoi d'autre, et que le contexte était situé dans un autre pays, tu me demandais si tu pouvais m'emprunter l'atlas que j'avais dû acheter pour le cours de géographie, et tu regardais soigneusement le continent, le pays, la ville où l'histoire se déroulait. Cet atlas, je l'ai utilisé quatre fois maximum, à ce cours tellement barbant où Sandra de Callataÿ et moi on jouait à la bataille navale – c'est dire le niveau d'ennui dans lequel on était plongées – mais toi tu l'ouvrais assez régulièrement. Je te revois encore, tiens, assise dans le vieux fauteuil pourri, le bouquin posé sur la table basse, l'atlas sur tes genoux, et toi en train de regarder les schémas de ce foutu monde, un verre d'alcool à la main. Je trouvais ça étrange comme tableau, mais en même temps je me disais que si tu avais la force de te passionner pour des bêtises pareilles c'est que tu allais mieux. Alors je ne te disais rien. Tu avais l'air tellement captivée par ce monde inexploré, d'ailleurs. Tu m'avais raconté qu'à mon âge tu rêvais de visiter New York et l'Irlande. Sans compter Paris. Tu avais lu quelque part que Paris était ''la ville la plus mélancolique du monde'' et tu voulais absolument voir ça de tes propres yeux.

Paris. Bordel, voilà. Voilà la ville qui s'est faite attaquer et tout. Pendant que j'y repensais, Margaret m'a sorti qu'on s'en tirait peut-être mieux ici qu'ailleurs. Elle n'avait pas tort, remarque. Ici, l'un dans l'autre, il n'y a (plus) de guerre et les actes terroristes ne sont pas monnaie courante. Je ne vois pas trop contre qui, cela dit. Les Fawkes ? Les dragons ? Ils nous fichent plus ou moins la paix. Je dis bien plus ou moins, parce que c'est galère de vivre quand même. Heureusement que je colloque avec Abe, maintenant, et que je n'ai plus qu'à payer la moitié du loyer, la moitié de la bouffe et des factures. Ça m'arrange. Avant, je devais compter mon fric avant de faire un tour au supermarché. J'étais jamais certaine d'avoir assez ne serait-ce que pour les courses de la semaine. Pour le moment ça va mieux, mais si Abe décide de me fiche dehors, je me retrouverai dans la même merde qu'avant. Bref, tout ça pour dire que l'île est sans doute plus calme niveau tensions politiques qu'ailleurs sur le globe.

La deuxième thèse de Margaret, c'était la surveillance. Nous empêcher de sortir permet de nous contrôler, selon elle. Là, ça faisait vraiment prison et tout. « C'est possible » j'ai acquiescé, et ça m'a fait peur. Parce que je ne vois pas trop à quoi ça sert, aux dirigeants de Colin's Island et tout, de nous maintenir ici. Margaret et moi, par exemple, est-ce qu'on a une grande place sur l'échiquier ? Ma foi, je ne crois pas. Bon, on a plus d'importance que des Humes ou des Marqués, mais on n'est pas super-puissantes. Du coup, qu'est-ce que ça peut foutre à Elizabeth Fawkes, Cassidy Fawkes et compagnie, qu'on aille à New York, à Pékin ou aux Pays-Bas ? Quel est le sombre intérêt pour la famille royale et leurs sbires de nous interdire toute sortie ? J'avais presque l'impression qu'on était des gosses que des parents tyranniques privaient de soirée. Sauf que Margaret et moi, on a la vingtaine passée.

Margaret m'a dit qu'elle habitait le Centre-Ville, et que si je voulais on pouvait aller chez elle après notre promenade. Il faisait de plus en plus sombre, l'éclairage public illuminait tout d'une sale lumière orange, et un vent froid soufflait. Je n'arrêtais pas de repousser mes satanés cheveux qui venaient me balayer la figure. J'ai supposé qu'ils étaient totalement décoiffés, et que ça allait encore être un sale boulot pour les remettre en ordre. Le matin, j'adore les brosser, mais le soir ça m'agace. Si j'avais le même pouvoir que Margaret, je les porterais à des longueurs différentes selon le moment de la journée. Ça m'arrangerait un peu.

Bref, on était là à marcher dans l'obscurité et le froid, et cette fois je n'avais plus rien à dire. Je n'aime pas le silence mais je ne savais plus quoi dire. Margaret me mettait un peu mal à l'aise, je te l'avoue. Et puis, je ne me sentais pas bien. Je ne sais pas, c'était peut-être l'alcool – pourtant des mojitos, merde. Je ne sais pas comment j'ai pu me rendre malade avec ça, mais j'avais la tête lourde, l'estomac en révolte et tout. Je me suis demandé si je n'allais pas dégobiller, là, en pleine rue, et je n'y tenais pas trop car vomir quand on est saoule ce n'est vraiment pas agréable. Je ne t'apprends rien, hein chère ? En tout cas j'ai demandé à Margaret : « On pourrait monter chez toi maintenant, s'il te plaît ? Je ne me sens pas très bien. » J'avais froid, tout à coup, vraiment froid, et j'ai serré mes bras contre ma poitrine. Il y a quelque chose au fond de moi qui aurait voulu que Margaret m'entoure de ses bras à elle et me réchauffe mais ce n'était pas trop envisageable.
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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyLun 16 Nov - 0:40

Il n'y avait nulle issue, nul exutoire possible, non. Cela pouvait aussi bien être pour ici, dans ce royaume aux portes closes ou pour Margaret incapable de se défaire de ses menottes. Son passé, tout comme son présent, témoignait de sa passivité et de sa résignation face à son sort. Elle avait été ainsi modulé par d'autres qui tenaient chacun des fils de cette marionnette qu'ils faisaient mouvoir à leur guise, lui arrachant la chose la plus précieuse pour un être humain. On lui avait ôté, et ce à jamais cette flamme ardente de liberté qui était désormais absente en son sein. Il ne demeurait plus que des braises froides et éparpillées, éteintes pour toujours sans l'espoir qu'un vent ne puisse les raviver.
Car ce qui était brisé l'était à jamais.
Enfant, adolescente, elle n'avait subi aucun moyen de pression, tel que le chantage ou la menace. Non, si elle l'avait voulu, elle aurait pu quitter ce foyer ridicule de manière définitive. Si elle l'avait souhaité, elle aurait fui sans regrets ni jamais se retourner pour vivre par elle-même. « Pars, si tu veux, mais ne reviens jamais, nous ne voudrons plus de toi. Tu n'as aucun endroit où aller, gamine, tu ne possède que nous et nous sommes ton unique famille. ». Unie dans la haine, dans la douleur qui n'avait cessé de lacérer sa peau tuméfié, elle avait verrouillé ses lèvres, scellant un destin qu'elle savait déjà tout tracé, par elle-même. Elle n'avait pas lutté. Spectacle pitoyable d'un pantin incapable de se retourner contre ses bourreaux, ses créateurs. Engeance de monstre, elle était le fruit de sombres desseins, parfait instrument. Après tout, ils l'avaient conçu pour être parfaite. Elle ne l'aurait pas été si elle avait fui de son plein gré, non. Elle avait été parfaitement éduquée. Discrète et in-repérable, elle ne laissait jamais aucune trace de son passage. Elle était capable de tuer de sang-froid et d'enquêter sans se faire remarquer. Elle savait jouer la comédie mieux que personne, charmant et trompant tout le monde sur son passage. Son pouvoir, évidemment, était un élément qui aidait beaucoup. Mais surtout, elle obéissait aveuglément à tous les ordres, ne se rebellait jamais, ne parlait pas inutilement.
Sans oublier qu'elle se laissait frapper sans broncher. Pour le plus grand plaisir des uns.

De toute façon, le monde était une prison. Il pouvait aussi bien y avoir des barreaux à chacune des frontières, ou même dans le ciel, toutes les choses demeurant accessibles n'étaient là pour que donner cette cruelle illusion de libre-arbitre. On pouvait être libre de ses actes, tout comme l'était Margaret, mais enfermée dans une cage encore plus contraignante que le pouvait l'être une boîte en fer. Et la jeune femme, prisonnière de ses démons, en était le parfait exemple. En quoi parcourir le monde à son gré déposséderait-il l'humain de ses chaînes ? L'homme avait ses pensées, ses concepts, tout un tas de choses qui le formataient, qui l'empêchaient de voir plus loin que cette horizon préconçu de toute pièces. Ouais. La liberté ne demeurait qu'une forme floue et vague, juste une idée inventée par l'homme qui rêvait de grandeur. Certains pourtant savaient cette vérité, et la majorité l'ignorait tout simplement.
On était prisonniers, de notre famille qui nous liait, de nos coutumes qui nous définissaient, de nos habitudes qui nous décrivaient, de tout un tas de choses communes dont personne n'avait conscience. Mais c'était certainement propre à l'homme de jouer l'ignorance, de fermer les yeux sur quelque chose d'aussi gros. Lâche il était. Il était plus aisé de se dérober, de feindre, de se cacher derrière un visage d'ingénu qui ne voyait pas plus loin qu'en face de lui. Il existaient plusieurs facettes, toutes aussi vraies que fausses, toutes donnant leur propre signification, toutes offrant un élément différent possédant des clés pour accéder à une vérité incertaine. Mais l'homme se faisait miroiter une mascarade chatoyante, préférant les mensonges réconfortants à la douleur sombre du désespoir. La connaissance n'amenait que son lot de maux, et la fausse quiétude leur était si réconfortante. L'étau glacé jamais ne pourrait se briser désormais. Si certains individus, parsemés sur la planète, pensaient de manière différente que le commun des mortels, il n'était qu'une donnée disparate, une inconnue dans une masse de chiffres similaires. Et rien de plus.

Margaret ne chassait plus de telles chimères. Elle avait tant cherché avec frénésie, avant. Hélas elle n'avait plus rien à sauver. Alors elle stagnait dans cette situation précaire, sans fin, pestilence. Et si elle avait la somptueuse prétention de survivre, il ne s'agissait là que de sauver les apparences et les meubles cassés. La fortune n'était plus du côté des hommes, et l'errance les attendait tous, sûrement. Du moins avaient-il déjà gagné la jeune femme et son amie, qui côte à côté, s'emboîtaient le pas pour rejoindre le bâtiment froid que formait l'endroit où Margaret vivait ; un vieil immeuble aux allures froides et dures, peu entretenu. Son appartement était vide, comme si aucune présence humaine ne l'habitait. Aucune trace de vie humaine ne l'infectait tel que des photos souvenirs, tels que des tableaux ou des babioles d'aucune utilité. Il n'y avait là que le strict nécessaire, comme on le lui avait appris si bien. Un canapé noir trônait dans son salon, des coussins blancs, évidemment pour le compléter, ainsi qu'une table basse à l'avant et à côté se trouvaient une table blanche et deux simples chaises. La cuisine elle, n'était guère mieux rempli d'effets personnels, tout comme sa chambre ne comportait qu'un lit et une armoire remplie de vêtements. Non, un robot n'avait besoin de rien d'autre qu'un endroit pour manger, dormir et remplir tous ses besoins vitaux. Pas davantage.

_ Fais comme chez toi, lança t-elle après s'être débarrassée de ses chaussures, les laissant à l'entrée.

Elle s'installa sur le canapé, après s'être emparé de son paquet de cigarettes. Le cendrier était déjà sur la table basse, deux mégots traînant encore à l'intérieur. Elle était certainement pas l'hôte la plus courtoise de cette île ; et pas des plus accueillantes. Elle tendit néanmoins son paquet à Jolibelle, puis s'alluma sa cigarette. Elle était si froide qu'elle était bien incapable de réchauffer le cœur des autres. Incapable de leur tendre de la main, de les aider. Elle fuyait les contacts le plus possible. Pourtant, avec Jolibelle elle essayait de maintenir ce lien. Elle ne savait pas pourquoi. Elle ne savait pas comment. Mais sa maladresse pour communiquer pouvait être mal interprétée, et peut-être qu'elle reviendrait à la case départ. Seule à arpenter sa voie, attendant son trépas.


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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyLun 16 Nov - 21:17

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Premier masque.

Margaret Ailyn & Jolibelle.

Il y en a qui te regardent d'un air compassé si tu leur dis que tu vas mal et tout. Bizarrement, à la question ''ça va ?'' si on répond ''non'', celui qui a posé la question demande ''pourquoi ?'' Mais l'inverse, jamais. On ne te demande jamais pourquoi tu es heureuse. Alors, c'est un refuge tout trouvé. Je n'adore pas me plaindre, mais j'aurais quand même apprécié que Margaret me demande ce que j'avais. Sauf qu'elle n'a rien dit. Elle s'en foutait, ou elle savait, en tout cas elle n'a rien dit et on a marché jusque chez elle. J'espérais que ce ne serait pas loin car je commençais à être vraiment mal. C'est étrange, d'habitude je supporte l'alcool, et les mojitos ne m'ont jamais empoisonnée. Bref j'ai suivi Margaret jusque chez elle, elle habite tout près de chez Mathieu. Quasiment le même immeuble et tout – à une rue près. T'aurais vu l'état des lieux. C'est gris et froid, et les escaliers sentent mauvais. Sur le coup j'étais contente de vivre avec Abe dans un coin moins minable. Puis on est entrées dans l'appartement de Margaret, qui est singulièrement vide. On a du mal à croire qu'il y a quelqu'un qui vit là ; il n'y a que du mobilier de base et aucune décoration. Même pas un tapis au sol, merde. En ouvrant la porte Margaret a enlevé ses chaussures, j'ai fait pareil par politesse, même si j'ai toujours détesté ces gens qui veulent qu'on enlève ses godasses avant d'entrer chez eux. La mère de Sandra de Callataÿ n'aurait jamais accepté que j'entre chez eux en pompes, je m'en rappelle. Mais les de Callataÿ, c'était une sale race. Je n'ai plus vu Sandra depuis un moment, d'ailleurs. Quand je pense qu'on était grandes amies et tout, avant !...

Bon. J'étais donc là, dans cet appartement sinistre, avec mes bottes à la main (finalement je les ai déposées près des souliers de Margaret) et j'avais limite encore plus froid qu'à l'extérieur. Je ne sais pas expliquer. Je ne me sentais pas bien, c'est tout. Margaret m'a dit de faire comme chez moi, elle s'est installée dans un canapé noir et elle a allumé une clope. Elle m'en a proposé une mais j'ai refusé. Rien que l'idée de puer la nicotine jusqu'à demain, ça me répugnait. C'est bizarre, mais c'est la vue de cette cigarette qui m'a complètement écœurée. Je t'avais dit que j'avais l'estomac en révolte et tout. Eh bien, je n'ai pas pu faire autrement que dire un « Excuse-moi, mais ça ne va pas » avant de m'enfuir aux toilettes pour vomir. Pendant que j'étais pliée en deux j'ai repensé aux premières semaines, quand j'étais enceinte de Lo et tout. J'étais malade comme un chien presque tous les matins. Je me suis même demandé si je n'étais pas à nouveau enceinte et tout, d'envisager ça, ça m'a glacée, je n'en ai pas la moindre envie. Je veux bien avoir un autre enfant, un jour, mais certainement pas maintenant. C'est déjà assez merdique comme ça, avec la garde de Lo qui m'a été retirée et tout. Bref, chez Margaret je n'en menais pas large. Après avoir dégobillé les trois mojitos j'ai dû m'appuyer contre le mur, j'avais la tête qui tournait. Une seconde après, je me suis retrouvée assise à terre, sans savoir comment ni rien. J'ai eu peur, un moment, je ne reconnaissais plus où j'étais, j'ai eu comme une crise d'angoisse, je me suis sentie oppressée, et seule, tellement seule. Je suis restée sur le sol une minute, sans bouger, en me disant ça va passer et tout.

Je ne sais pas comment j'ai fait pour me remettre sur mes pieds. Tout a tourné un peu, puis ça s'est calmé et j'ai pu quitter les chiottes tant bien que mal. Je n'arrêtais pas de repenser à la phrase que j'avais lancée à Margaret : excuse-moi mais ça ne va pas. Excuse-moi mais ça ne va pas. Qu'est-ce qui ne va pas ? Tout, on dirait bien. Je trouvais ça débile, comme phrase. J'avais limite honte de l'avoir prononcée et tout.

Je suis allée jusqu'à la cuisine, j'ai attrapé un verre qui traînait et je me suis rincé la bouche. Margaret m'avait dit de faire comme chez moi, je lui ai obéi. Je n'avais rien à perdre de toute façon. Si elle me foutait dehors en me disant qu'elle ne veut plus jamais me voir, qu'est-ce que ça pourrait me faire ? Pas grand'chose. Après m'être rincée j'ai bu deux grands verres d'eau, pour dessoûler totalement, et ça m'a fait du bien. Je me sentais mieux, après ça, et j'ai pu revenir auprès de Margaret. J'ai tiré une des deux chaises de la grande table et je me suis assise dessus. J'ai remarqué que je portais encore mon manteau noir alors je l'ai enlevé. J'avais moins froid que tout à l'heure. J'ai regardé Margaret, enfoncée dans son canapé en train de fumer, elle m'a semblé tellement triste. Je l'ai imaginée rentrant chez elle, dans cet appartement glacé, seule, se vautrant dans ce canapé, seule, allumant une clope, seule. Seule, seule. Complètement seule. « Hé, Marga » je lui ai fait. J'étais prise d'inspiration subite. « T'as pas envie de danser, un peu ? » Je ne sais pas pourquoi ça me faisait envie, tout à coup. Je me suis levée, je me suis approchée d'elle. « Viens » j'ai dit. Tu te rappelles de ce soir d'avril, chère ? Le 15 avril, où j'ai eu seize ans ? Je l'ai raconté à Margaret, alors que je ne l'ai jamais dit à personne, parce que c'est notre grand secret.

« Le jour de mes seize ans j'ai dansé avec ma mère et tout. On habitait dans le Quartier Sud, toutes les deux, et elle était dans un sale état à cause d'une histoire moche qui remontait à trois ans plus tôt. Elle a perdu son pouvoir et ça l'a détruite pas mal. Bref, cette année-là, elle commençait à aller mieux, et le soir de mon anniversaire, alors qu'on était juste elle et moi, je l'ai entraînée à danser. On avait un petit jardin miteux, mais c'était une soirée d'avril tellement jolie. Lolly disait qu'elle était incapable de danser et tout, qu'il n'y avait pas de musique ni rien, mais je l'ai obligée. Au début elle était toute gênée, elle savait à peine mettre un pied devant l'autre, mais au final elle s'en tirait mieux que moi. Tu nous aurais vues. On devait faire un drôle de duo mais on s'est sacrément amusées. C'est l'un des souvenirs qu'il me reste. » J'avais le cœur qui battait fort. Désolée, chère, je ne parle pratiquement de toi à personne, d'ordinaire, et si j'en parle c'est rarement pour raconter ces souvenirs qui me sont si chers. Mais Margaret, je crois qu'elle peut savoir. « Viens » j'ai répété, et je lui ai tendu les mains.


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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyDim 20 Déc - 13:24

Le monde était corrosif et d'une pâleur froide. Il n'y avait pas de couleurs chatoyantes pour le raviver aux yeux de Margaret qui détournait le regard d'une animation si brûlante qu'elle l'aveuglerait si elle pouvait le percevoir. Elle ne voyait qu'au loin les vains efforts des uns qui se fondaient dans la masse abondante, qui se confortaient dans une illusion bénigne.
La réalité était drapée de tons neutres, dont l'aspect semblait appartenir soit au passé, soit à une ère si ancienne qu'il ne subsistait nulle trace. Les murs saillants de son appartement étaient vierges de toute empreinte correspondante à l'humanité. C'était mort, vide. Il n'y avait rien, pas d'apparat sinon l'habit glauque de l'absence. C'était l'habitat idéal pour une poupée creuse, une coquille vide qui n'avait ni essence ni raison. Elle se passait bien de dorures, de broderies et d'autres objets sans intérêt. Elle vivait dans cette misère avec aise, elle n'avait pas d'argent à dépenser pour des inutilités. Elle se contentait du strict nécessaire. Et encore, elle avait fait des efforts titanesques. Elle était bien pire, en réalité. A une époque, s'allonger sur le sol lui suffisait amplement. Mais l'aube d'une nouvelle ère, morne, triste, était arrivée. Et comme présent, la liberté illusoire d'une vie sans aucune chaîne. Tout ce qui était luxe et superficialité ne l'avait jamais intéressée, elle ne possédait pas de valeurs de toute manière.
Non pas qu'elle était étrangère aux notions humaines, non. Elle en avait sur la beauté, grâce à l'intervention éducative de sa belle-mère mais c'était, tout comme le reste, un outil et rien de plus. Il n'existait rien en ce moment capable de l'émerveiller, rien de capable de lui couper le souffle ou de la surprendre avec une magnificence saisissante. Non, il n'y avait que des formes, définies au préalable ; des schémas tout tracés ; des données tout au plus.
Rien n'avait d'intérêt à ses yeux. Rien n'avait jamais eu d'attrait, en vérité. Tout n'était que poussière, tout n'était que poudre aux yeux pour le commun des mortels. Rien de bien intéressant pour une marionnette sans plus personne pour diriger les fils derrière. Rien. Pas comme si elle avait eu ses propres aspirations, avant. Non, elle n'avait jamais pu effleurer un soupçon de cette humanité commune et pesante. Ses pensées étaient désertes de tout rêve, de tout optimisme. Pour elle, le monde était taillée dans une solide pierre, aussi froide que la glace et tout aussi cruelle. Les contours des objets étaient aussi tranchants qu'une lame. Tout comme ses gestes n'étaient que des calculs d'un glacial sinistre. Rien n'était non-nécessaire, rien n'était superflu, Margaret ne faisait aucun mouvement inutile. Elle n'avait rien, nulle chaleur, nulle spontanéité. Elle faisait des mouvements mécaniques, des gestes qui s'avéraient utiles, rien de moins et rien de plus.

Elle se contentait d'observer dans son mutisme habituel. Jolibelle était son parfait opposé. Si honnête, si impulsive et on pouvait même dire vraie. Elle ne semblait pas dans un très bon état, mais Margaret n'avait ni chaud ni froid. On ne lui avait pas appris ce qu'était la pitié, ni la compassion. Certes, elle avait eu des rêves, à une époque. Rien de plus qu'une grosse désillusion née en incarnant le rôle de la pauvre et pitoyable victime. On avait toujours le choix. Parfois c'était dur, parfois il fallait en baver, tout reconstruire de zéro et affronter le monde entier, mais c'était en atteignant le fond qu'il était possible de se propulser au sommet. Mais c'étaient, autrefois, simplement des pensées sans substance qui s'étaient délitées, il y a fort longtemps. Non, elle avait plus que sa minable réalité. Sa vie. Vide et sans consistance.
Quelque chose qui lui seyait, en fait. Tout ce qu'elle pouvait faire c'était entendre sans réellement écouter les râles rauques de sa prétendue « amie ». Ouais, désolé, elle n'avait pas lu un manuel réellement convenable pour les relations amicales. On ne lui avait appris que des outils, et comment les utiliser pour manipuler. Aider sans rien recevoir en retour, certainement pas son truc. Et même en recevant en retour, actuellement. Elle savait rien faire, à part obéir. Elle était mauvaise à tout, il ne fallait pas compter sur elle pour avoir une vie sociale. Ouais, comme le prouvait cette scène catastrophique – elle assise sur le canapé à fumer sa cigarette avec nonchalance tandis que l'autre gisait devant les toilettes, vomissant – elle était un déchet, et semblait probablement les attirer. Y avait rien que des fantômes ici, des ombres si ténues d'une vie antérieure, de personnes qui avaient existé à un autre moment. Ou pas, en fait. Y avait que des objets brisés dans cet appartement morbide, des jouets abîmés, avec lesquels on se serait beaucoup trop amusé. Jetées, elles n'avaient rien d'indispensable. Même la vie ne semblait pas vouloir d'elles.

Et c'est ainsi qu'elle vit réapparaître Jolibelle, d'une pâleur maladive – probablement l'alcool, et elle se contenta de l'observer sans dire un mot. Ah oui, se taire, elle était forte pour ça, Margaret. A ne rien dire, à ne rien laisser échapper de ses lèvres rosées. Rien que le strict minimum et nécessaire, rien de plus, pas de grande emphase, pas de douces métaphores pour enjoliver la réalité. Et elle était tout aussi expressive, ajoutant au charme de sa bouche muette, avec son visage figé. Y avait que des débris ici, et pas moyen de les recoller.
Sa partenaire semblait pourtant s'accrocher à des idylles. Mais y avait pas de cause désespérée méritant d'essayer, elles étaient, elles, les causes, incurables. Elle se lassait de la voir, sans cesse, avec cette même énergie, avec cette fausse insouciance fabriquée de toute pièce. Elle ne comprenait pas pourquoi Joli continuait de détourner les yeux, mais peut-être était-ce mieux de fermer les yeux. Mais pourquoi ? Non, c'était une perte d'intérêt, et une perte de force que de croire. Y avait plus rien à croire, aucune croyance, aucun soin pour de tels maux. Parfois ça l'énervait, réveillant en elle quelque chose depuis longtemps endormi. Ouais, il y avait même de la frustration au fond, peut-être. Quelque chose de si sous-adjacent qu'il était impossible d'en déterminer l'existence. Elle n'y avait jamais été habituée, elle avait toujours cru les choses faites ainsi pour une bonne raison, et que tout était définitif. C'était probablement pour cela qu'elle finissait toujours avec elle, pour combler ce creux béant qui remplaçait son âme, pour essayer de ressentir à nouveau. Mais au final, elle abandonnait toujours, son inertie gagnait, à chaque fois. C'était un combat vain. Toutes les deux le savaient.

Et comme souvent, Jolibelle l'amenait à se mouvoir, plus qu'elle ne l'aurait fait seule. Elle avait dansé, auparavant. Pour des bals, lorsque sa hideuse famille siégeait à ses côtés. Lorsqu'elle avait encore un rôle à jouer, des gens à séduire, une image à montrer. Là elle n'avait plus rien, sinon ce corps qui se laissait aller au bon vouloir du destin. Et elle n'écoutait pas vraiment, non. Ressasser le passé, y avait rien de bon à vivre dans une époque de loin révolue. Fallait avancer. Enfin, elle n'y arrivait pas elle-même, avec tous ses fantômes qui la hantaient. Alors elle n'avait pas que ça à faire d'apprendre par cœur les faits, pensées et gestes de sa compagne. Elle hocha la tête, simplement, pas assez mauvaise pour prétendre ne pas s'y intéresser un tantinet. Elle comprenait que ses confessions étaient un pas, probablement une étape dans une amitié. Cela déterminait probablement le lien qui les reliaient, allant même à partager certaines choses que personne ne sauraient.
Alors, parce que c'était elle, parce qu'elle était le reflet de sa personne, dans une autre vie, et à la fois son parfait opposé, elle attrapa les mains tendues vers elle. Nul ne lui avait offert telle invitation dans sa vie, avec cette spontanéité ingénue. Et elle y répondait avec la même hypocrisie habituelle, tous gestes fabriqués, ce doux sourire qu'elle atténuait, de circonstance. Elle se lança, balançant légèrement ses hanches, suivant les mouvements de sa partenaire avec un calcul précis. Ouais, elle était une horrible personne. Mais tant que personne d'autre qu'elle ne savait à quel point, ce n'était pas grave, non ?

Que c'était beau.


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MessageSujet: Re: premier masque ; ft. jolibelle premier masque ; ft. jolibelle EmptyDim 10 Jan - 20:39

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Premier masque.

Margaret Ailyn & Jolibelle.



Je peux t'assurer que ce n'est pas la même chose de danser avec Margaret qu'avec toi. Déjà, j'avais eu un mal de chien à te convaincre de te lever, tandis que Margaret s'est levée tout de suite sans rien dire, en souriant. Elle a pris les mains que je lui tendais et on était parties pour danser n'importe comment. Je regardais Margaret, comment elle bougeait et tout. Elle ne disait rien, elle ne chantait pas, non, juste elle balançait les hanches. Drôle de fille, j'ai pensé pour la trente-six millième fois. Je ne sais même plus pourquoi j'avais été la voir ce soir-là. S'il y avait un pourquoi, ce qui n'était même pas sûr ! Enfin, bref. On était là à danser en silence, et j'avais les mains de Margaret dans les miennes, et je regardais l'appartement de Margaret, et je regardais les murs vides, la table sans rien dessus, et je me demandais quel était cet horrible endroit, comment un être humain pouvait y vivre ?

Tu te rappelles de notre maison minable, au Quartier Sud ? Le n°10. Avec les murs de ta chambre qui suintaient d'humidité les jours de pluie et la perpétuelle odeur de crasse. Je l'avais en horreur, cette baraque. Pourtant, je ne serais jamais allée vivre chez mon père. J'avais l'impression que si je te laissais seule plus d'une semaine, je ne te retrouverais pas. Déjà quand j'allais chez lui un week-end ça m'effrayait. Je me disais qu'en revenant j'allais te retrouver morte. C'est ce qui est arrivé, mais des années plus tard. Je ne veux même pas y penser, merde. Tout ce que je voulais dire c'est que même notre maison pourrie me semblait plus accueillante que l'appartement de Margaret.

Margaret. Plus je la regardais et moins je me sentais à mon aise. J'avais l'impression que quelque chose clochait avec elle. « Pourquoi y a pas de tableaux dans cet appartement ? Des photos ou quoi ? » je lui ai demandé avant de lever son bras et de passer dessous comme si on dansait un tango ou un slow ou je ne sais quoi. Dans ma chambre chez Abe j'ai plein de photos de Lo. Et puis même, c'est plus vivant. Ici on aurait dit un coin où personne ne venait jamais. Un coin propre et rangé mais mort. Plus je le passais en revue et plus j'étais mal. Je ne sais pas, j'avais peur, comme si j'étais prise au piège. Comme si les murs vides allaient se refermer sur moi et me broyer.

« Stop » j'ai dit tout à coup, sans réfléchir. Je me suis immobilisée et j'ai lâché les mains de Margaret. « Je n'en peux plus. » Je ne sais pas très bien de quoi je parlais. J'avais le visage humide de sueur mais c'était pas à cause de l'effort physique. « Faut que j'y aille » j'ai dit sans me justifier davantage, et j'ai été chercher mes pompes à l'entrée. Vite je me suis chaussée, puis j'ai remis mon long manteau noir. « Je ne suis pas bien, ici » j'ai dit avant de partir, en regardant Margaret. « Je, euh... Je suis désolée. J'ai essayé. »

Je ne sais plus si j'ai dit au revoir à Margaret. Tout ce que je sais c'est que j'ai été tellement soulagée de retrouver l'extérieur. J'ai respiré un grand coup l'air de la nuit et c'était comme si je renaissais. C'était très étrange et très fort, je ne saurais pas t'expliquer. Je me suis éloignée rapidement de l'immeuble sinistre sans me retourner une seule fois. Je revoyais sans arrêt Margaret avec sa cigarette. Je l'imaginais, seule dans son atroce appartement. Je me demandais si elle allait se tuer ou quoi. A sa place je ne sais pas ce que j'aurais fait d'autre. En tout cas, elle n'est pas descendue pour m'appeler.

Drôle de fille, vraiment. A ton avis, ça vaut le coup de la revoir ?

Je t'embrasse,
Jolibelle.
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